Les chaudes ondées d’été vont bientôt faire sortir les premiers cèpes de la saison. Mais connaît-on vraiment ces cèpes? «Bien sûr qu’on les connaît, nos bolets! Beaux bruns dessus, ils ne bleuissent pas quand on les coupe. Et depuis le temps qu’on va aux champis, on ne peut pas se tromper!» Et pourtant, des as qui cueillent des cèpes depuis des décennies ont au moins une fois été piégés par le bolet de fiel (Tylopilus felleus), appelé aussi bolet chicotin.
Sa toxicité est discutée – à tort. Son amertume, dont seul le fiel est comparable, le rend en revanche immangeable. Elle s’intensifie à la cuisson et un seul petit chicotin dans la casserole rend le plat inconsommable. Mais comment peut-on confondre ce bolet détestable avec les goûteux autres cèpes? Le bolet de fiel est certes absent de certaines forêts, mais il n’est pas rare. On le trouve sur les sols siliceux,
indifféremment sous les conifères ou sous les feuillus, aussi bien en plaine qu’en montagne. Souvent isolé, il pousse au milieu d’une troupe de cèpes d’été (Boletus aestivalis) dont il est parfois le sosie parfait.
Bien sûr, il se différencie de ces derniers par la couleur rose puis rose brunâtre des pores de ses tubes lorsque le champignon atteint une certaine maturité, alors que ceux des cèpes d’été, au même stade, prendront une teinte jaune puis verdâtre. Mais l’affaire se corse lorsque les champignons sont jeunes. Le cèpe d’été et le bolet de fiel portent tous deux un chapeau semblable de teinte beige à brunâtre.Sous ce chapeau, les tubes aux pores sont blancs pour les deux espèces. Mais le pied du chicotin, de teinte crème brunâtre, est orné d’un réseau foncé brunâtre.
En les goûtant, la différence devrait être évidente, car le bolet chicotin est tellement amer que son mauvais goût importune encore longtemps après la dégustation. La bonne combine pour ne pas se tromper, c’est de faire une pression sur les tubes avec le pouce et d’attendre quelques minutes: le cèpe d’été laisse apparaître une marque jaunâtre là où il a été pressé tandis que le bolet de fiel prend une couleur glauque un peu rosée. Et pour être vraiment sûr, allez trouver l’expert en champignons Vapko, qui contrôlera votre récolte et vous apportera d’autres précisions sur ces bolets.
Texte : Olivier Bujard
Photos : Francis Meigniez, (à gauche: T. felleus, à droite: B. aestivalis)