Imaginez un arbre qui vous tire la langue… Une langue à la silhouette et la couleur d’un foie humain, pleurant une sorte de sève visqueuse et rougeâtre. Vérifiez qu’il s’agisse bien d’un chêne ou d’un châtaigner et le tour est joué: vous voici face à une langue de bœuf, la Fistulina hepatica! Ce champignon parasite évoque de loin par sa forme un polypore. Néanmoins, si on le retourne, celui-ci ne possède pas de pores, mais des tubes, à l’instar des bolets! Ceux-ci sont très serrés et peuvent aisément être détachés du reste du carpophore à maturité. Ce critère le rattache alors à une famille très particulière de champignons lignicoles (qui poussent sur le bois): les Fistulinaceae. Sa taille peut aisément varier, allant de 15 cm jusqu’à 2 m de largeur. L’aspect de sa chaire striée rappelle celle d’un muscle. Sa saveur douce, acidulée et légèrement amère est tout à fait typique. Certains consomment volontiers la fistuline, de préférence après une bonne cuisson, alors que d’autres seront peu séduits par ce champignon très «organique».
Mais si vous pensez déjà tout connaître de ce spécimen, détrompez vous! Ce que vous voyez sur la photo du haut représente la phase sexuée de la fistuline (fructification produisant des spores). Curieusement, il existe une forme asexuée très rare de la langue de bœuf: Confistulina hepatica (en bas). Elle se présente comme une petite patate. Elle pousse dans le même habitat et est de même couleur. Sa texture est finement verruqueuse à l’extérieur, et sa chair peut rappeler celle d’une truffe. Celle-ci produit des organes de reproduction appelés conidies. Il est important de noter que la fistuline se reproduit ainsi lorsque ses conditions de vie sont difficiles. Il sera donc préférable de simplement admirer cette petite pépite de dame nature. Alors si vous croisez ce champignon sur un arbre blessé, dites-vous que cette langue est celle d’un baiser, qui l’unit à son hôte condamné, jusqu’au trépas de ce dernier.
Vincent Fatton